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Causerie PARKGEST : Yves Gerber, Directeur de la section genevoise du TCS, partage avec nous sa position sur la mobilité genevoise

Se destiner initialement à la voirie de montagne pour prendre quelques années plus tard la responsabilité d’une institution genevoise mythique, après 15 ans de journalisme, ce n’est pas banal. Le fil d’Ariane d’Yves Gerber ? Le bien collectif et la réconciliation entre économie et écologie. Six questions posées à ce patron qui maîtrise son sujet.

PARKGEST. Vous êtes journaliste à l’origine. Qu’est-ce qui vous a poussé à gérer la communication du TCS, puis à en devenir le directeur ?
Yves Gerber. N’y voyez aucune inclination carriériste. Mon ambition s’est toujours résumée à servir la collectivité publique. Le destin m’a en effet d’abord dirigé vers le journalisme, notamment au sein de la RTS. Puis, j’ai souhaité me tourner vers une activité plus directement collaborative. C’est ce que le TCS m’a offert en me confiant la communication au niveau national. Là, j’ai découvert une institution/club vouée au service et à la défense des consommateurs, mais aussi animée par la volonté d’offrir un outil de travail valorisant à ses quelque 1600 employés. Durant les deux premières années, j’ai mené la réforme de notre communication interne, partant du principe que les collaborateurs doivent toujours être les premiers informés lorsqu’il s’agit de notre actualité institutionnelle.
Depuis 128 ans, l’écosystème du TCS réunit un grand nombre de métiers, du patrouilleur à l’ingénieur de la mobilité. Aujourd’hui, à la direction de la section genevoise du TCS, je suis plongé dans la matière associative. Ma mission est d’assurer le bon fonctionnement de cette petite PME d’une quinzaine de collaborateurs et d’une cinquantaine de commissaires qui est fortement impliquée dans la vie citoyenne genevoise. Mon objectif est d’assurer la bonne coordination entre les sorties et activités, qui sont organisées par les membres de nos groupes de travail et commissions, avec nos prestations de nos points de contact et de notre centre technique, qui sont assurés par le personnel permanent.

Pardonnez-nous d’être direct, mais qu’est-ce que le TCS a à faire avec des prises de position politiques sur les mobilités ?
Nos statuts, à l’article 2, précisent que nous devons défendre les intérêts de nos membres dans le domaine de la sécurité routière et de la mobilité en général. Nous nous permettons ainsi de nous insérer dans le monde politique et d’intervenir, voire de faire des recours votés par nos commissions. Les médias laissent souvent penser que le TCS est forcément pro-voiture. Nous travaillons en réalité à l’harmonisation de la multimodalité du canton. Il est vrai que le TCS a longtemps été perçu comme un grand lobby automobiliste. Cela s’explique par le fait que, de 1950 à 1980, nous avons fortement milité pour le développement des infrastructures de mobilité individuelle pour améliorer la sécurité routière.
Notre approche est très orientée sur la défense de nos adhérents et par extension, des consommateurs. Nous sommes réputés pour nos tests « produits » totalement indépendants, notamment sur les pneus, les sièges pour enfants, les véhicules et les systèmes automatiques de freinage désormais obligatoires sur les voitures.
Notre commission « Mobilité » se réunit 5 à 6 fois par an pour examiner les stratégies du canton et des communes, les problèmes d’infrastructure et d’aménagements. Notre ingénieur participe régulièrement à des séances techniques organisées par le canton et nous dialoguons régulièrement avec les communes ou d’autres associations.

Dans le contexte actuel où l’on se tourne de plus en plus vers les véhicules électriques, comment le TCS intègre-t-il ce changement ?
A l’instar de nombreux clubs européens, le TCS envisage une mobilité décarbonée, connectée, automatisée et partagée d’ici 2040-2050. L’électromobilité fait partie intégrante de cette vision, car elle réduit considérablement la pollution atmosphérique et l’empreinte carbone de la mobilité individuelle. La frontière entre transport collectif et transport individuel va progressivement s’atténuer au profit de la mobilité à la demande. Nous avons longtemps pensé que posséder une voiture était un gage de liberté. Avec les nouvelles technologies et les changements de comportement, le libre choix des modes de transports passera par des applications sur son smartphone, et c’est déjà le cas aujourd’hui.
Nous travaillons à ce titre en collaboration avec des partenaires comme l’Académie de la mobilité et participons à des projets pilotes pour développer la mobilité partagée. L’objectif est de créer des conditions favorables pour ces nouvelles formes de transport, tout en s’assurant que nos stratégies soient en adéquation avec les attentes et les besoins évolutifs de nos membres. Le TCS prône une vision holistique de la mobilité, prenant en compte l’électromobilité, la réduction des nuisances sonores, la mobilité partagée, et les évolutions technologiques pertinentes. Le bruit est d’ailleurs un sujet sur lequel nous nous engageons en menant des campagnes de sensibilisation et de prévention. Nous avons investi dans un radar bruit préventif pour aider les communes à mesurer et à gérer les nuisances sonores.
Nous apportons des éléments factuels dans un débat souvent émotionnel. Nos analyses démontrent en effet que si la voiture électrique réduit les bruits de moteur, à partir de 30 km/h, c’est le bruit de roulement des pneus qui prédomine. Il ne suffit donc pas de basculer sur l’électrique pour réduire les nuisances sonores.

Comment envisagez-vous la question des parkings à Genève ?
La gestion des parkings, y compris en dehors du centre-ville, doit être optimisée, car cela soutient l’économie locale.
Nous pensons qu’il faut minimiser le stationnement en surface et favoriser la construction de parkings souterrains, afin de libérer l’espace public et réduire le trafic causé par les conducteurs à la recherche de places. Des études montrent que jusqu’à 25 % du trafic dans certains quartiers peut être lié à la recherche d’un stationnement.
Mais, globalement, nous encourageons une approche multimodale. Les visiteurs venant de loin pourraient utiliser des parkings relais (P+R) à la périphérie et continuer leur trajet en transports en commun. Enfin, les politiques récentes, comme la réduction des abonnements de stationnement pour les pendulaires et la baisse des tarifs pour les résidents, vont dans le bon sens. Elles visent à optimiser l’utilisation des parkings tout en limitant le stationnement des travailleurs pendulaires, ce qui améliore la fluidité et la disponibilité des places pour ceux qui en ont besoin.

Que pensez-vous de la votation pour la passerelle du Mont-Blanc qui aura lieu le 24 novembre prochain ?
Nous envisageons cette passerelle comme un véritable geste architectural qui requalifiera la rade de Genève. En transformant ce lieu de transit en une promenade de 4,80 m de large, avec des bancs face au jet d’eau, les Genevois pourront redécouvrir leur rade sous un nouveau jour. Cela offrira un espace où l’on aura envie de s’arrêter, de se détendre, de contempler. À Genève, la marche est le deuxième mode de transport après la voiture. Cet aménagement s’inscrit donc dans les usages genevois et permettra enfin de boucler le U lacustre cyclable en séparant les piétons des cyclistes. Au-delà du coût du projet, cette passerelle apportera un supplément d’âme qui contribuera à la beauté et à l’attractivité de la ville. Les Genevois pourront profiter d’une vue magnifique sans avoir à souffrir du trafic automobile. Ce n’est pas seulement une infrastructure touristique, mais une réappropriation de la rade par ses habitants, dans une une vision d’harmonie et de respect pour l’environnement.

Pour conclure notre causerie, que pensez-vous de l’idée de passer d’une vision par mode de transport à une vision par besoin, telle que développée dans les plans d’action des mobilités actuellement en consultation au Grand Conseil ?
La mobilité individuelle motorisée est surtout utilisée pour les loisirs. En Suisse, par exemple, ceux-ci représentent 40 % des déplacements. A Genève, plus de 70% des déplacements sont effectués pour les achats et les loisirs et la voiture est le mode le plus usité. On sous-estime notamment l’impact des activités sportives des enfants et les réflexes associés à une automobile immédiatement disponible, qui semble en outre être le mode de transport le moins coûteux. En réalité, l’abonnement aux transports publics sera toujours plus économique que le fait de posséder un véhicule.