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Thierry d’Autheville : « Élevons la ville, sauvons les rues-basses ! »

Dans son article intitulé les imaginaires au secours des centres-villes, le sociologue Patrice Duchemin ouvrait dans nos colonnes d’intéressantes pistes d’évolutions, en invitant les municipalités à relever le défi de quatre imaginaires. Je choisis aujourd’hui d’enrichir sa réflexion de mes observations sur le terrain, au contact des visiteurs de l’hyper centre. Recomposer l’espace, voire améliorer l’existant, pose souvent de grandes difficultés dans les quartiers historiques à haute densité de population. Pourtant, il serait possible de gagner en pouvoir d’attraction en recourant à quelques aménagements, que je propose humblement dans cet éditorial du mois d’octobre.

La concurrence est mondiale
Il y a peu, Genève bénéficiait d’une excellente image de marque auprès des visiteurs étrangers, notamment en provenance du Golfe ; mais le succès des villes orientales, par exemple Dubaï, avec leurs boutiques spectaculaires, leurs animations, illuminations et autres ouvertures nocturnes, doivent nous faire méditer sur ce qui pourrait réenchanter la Cité.
J’en suis convaincu, sans pousser à l’extravagance de Dubaï, Genève a les moyens de faire de son centre-ville un endroit accueillant, vivant et envié !

Les rues-basses : une véritable zone piétonne en perspective
Après le refus du parking Clé-de-Rive par 64 % des suffrages lors des votations du 7 mars dernier, une nouvelle initiative s’attache désormais à l’idée d’un espace sans voiture élargi, dans les rues-basses. Le projet s’étend de la place Bel-Air au boulevard Helvétique, avec une circulation automobile toujours possible sur la rue du Rhône, mais pas sur les artères parallèles, jusqu’en Vieille-Ville.
À quelle situation faisons-nous face ? : à l’exception de la rue de la Cité, du quai Bezanson-Hugues et ses petits cafés, des places de la Fusterie, du Molard, et Longemalle ainsi que de la rue Neuve-du Molard qui rejoint ces deux dernières, l’aménagement piétonnier est lacunaire ; la rue Robert-Céard et la rue du Commerce ont bien été piétonnisées, mais sans le moindre attrait et avec de surcroît d’indésirables places de stationnement 2 roues.
L’artère principale, constituée de la rue de la Confédération, la rue du Marché et la rue de la Croix-d’Or, dont l’état des sols laisse fortement à désirer, accueille une pléiade de véhicules TPG (et pas uniquement des tramways comme dans d’autres villes) ; s’y ajoutent des voitures avec ou sans passe-droits, parfois des 2 roues motorisés, souvent des vélos, voire désormais des trottinettes, qui n’ont rien à faire dans ce type d’espace.
Si l’on veut promouvoir une zone piétonne digne de ce nom, il faut en intégrer l’objectif dans la stratégie d’implantation : redonner souffle au centre-ville grâce à des commerces diversifiés et bien achalandés et privilégier la quiétude des promeneurs. Mais aussi prendre en compte le processus d’approvisionnement des magasins par les transports professionnels (par exemple avec une tranche horaire à mi-temps) et une meilleure planification des travaux publics et des rénovations privées (qui impactent trop souvent le fonctionnement et la visibilité des commerces).
Prenons aussi la décision d’une zone piétonnière complète, étendue aux rues du port, Robert-Estienne, du Prince, de la Tour-Maîtresse, Ardutius De-Faucigny, d’Aoste, voire d’Italie et Pierre-Fatio. Un espace des rues-basses entièrement dévolu aux promeneurs, sans voiture ni deux-roues. Nous redonnerions un formidable gain d’intérêt à cette Genève aujourd’hui endormie dans ses habitudes.

Pour une rue du Rhône et des quais qui rayonnent !
Les visiteurs du monde entier la connaissent pour l’avoir arpentée comme on arpente les Champs-Élysées à Paris, la Cinquième Avenue de Manhattan ou plus proche de nous la Bahnhofstrasse à Zürich.
La Suisse et particulièrement Genève possède le privilège d’être un carrefour planétaire de la joaillerie et de la haute horlogerie. Le tourisme de luxe qui accompagne généralement la fréquentation de l’hôtellerie des bords du lac n’a certes pas retrouvé toute sa vigueur, mais le retour de la clientèle moyen-orientale est un signal encourageant.
Or, la rue du Rhône manque franchement d’attractivité, son potentiel est inexploité. Elle est constamment encombrée par des véhicules en parcage interdit. Les voitures devraient y disparaître au profit de trottoirs plus larges, d’une modernisation de l’équipement et d’un accès naturel aux transports publics.
Le quai Général-Guisan avec ses containers de commerces aménagés de façon temporaire est indigne de Genève. Imaginez-le réaménagé et arboré pour offrir une promenade inoubliable en particulier lors des fêtes, où des animations feraient retrouver une authentique féerie traditionnelle ; imaginez le pont des Bergues couvert, fruit d’un concours d’architecture, où des estaminets nous permettraient de passer du temps devant un café, en dégustant une pâtisserie ; imaginez une revalorisation de la gare à bateau pour capitaliser sur nos mouettes ancestrales ; imaginez un espace élargi, agrandi et laissé à la disposition des passants, toute l’année. Quelle belle perspective pour notre ville !

Miser sur la fluidité, l’accessibilité, la quiétude des promenades, la qualité et la diversité de l’offre
Si rien n’est facile lorsqu’on est chargé d’améliorer un centre-ville, je pense qu’en ce qui concerne Genève, il s’agit avant tout d’un problème de pouvoir d’attraction. L’encombrement des rues basses par les véhicules provoque un sentiment d’exiguïté et de saturation que nous pourrions vaincre par la piétonnisation. De là, de nombreuses conséquences heureuses interviendraient, avec plus de calme, une meilleure accessibilité pour les passants et un regain d’intérêt des marques et autres commerces qui font florès dans ce type d’espaces. Un réaménagement donnant priorité aux terrasses et à une vision hédoniste tant rêvée par les jeunes générations relancerait l’activité générale.

Thierry d’Autheville
CEO Parkgest